Bruit : « Nous ne pouvons plus rester sourds aux nuisances sonores ! »

Bruit : « Nous ne pouvons plus rester sourds aux nuisances sonores ! »

Bruitparif, centre d’évaluation technique du risque sonore en Île-de-France, publiait le mois dernier une étude selon laquelle 90% des Franciliens de la zone dense affirment souffrir du bruit et perdent en moyenne 10,7 mois de vie en bonne santé du fait de leur exposition au bruit.

Devant ces constats alarmants et dans la continuité de mon action, depuis mon élection et ma nomination au sein du Conseil national du Bruit, j’ai alerté la Ministre chargée des Transports Élisabeth BORNE ce matin dans l’Hémicycle sur cette question sanitaire et environnementale trop souvent oubliée.

Récemment, j’interpellais également le Gouvernement sur la prise en compte de l’application du dispositif d’attestation de prise en compte de la réglementation acoustique des logements.

Mon intervention, que vous pouvez visionner et lire ci-dessous, portait sur l’évolution de la règlementation : comment mieux évaluer la réalité des nuisances sonores (intégration des pics et des cumuls de bruit) et quelles mesures prendre pour les atténuer ? La future loi d’orientation des mobilités, qui sera débattue au printemps à l’Assemblée nationale, doit être l’opportunité d’avancer sur cette meilleure prise en compte des pics de nuisances sonores.

Mme Laurianne Rossi. Il est une nuisance majeure qui empoisonne les jours et les nuits d’un grand nombre de nos concitoyens, une nuisance dont on entend trop peu parler, dans cet hémicycle comme dans les médias. Je veux parler du bruit.

Ils sont 82 % de Français à se déclarer gênés quotidiennement par les nuisances sonores. Celles-ci sont devenues l’une des premières préoccupations de nos concitoyens, notamment de ceux de ma circonscription, qui m’alertent régulièrement sur ce sujet. Et pour cause : le bruit constitue un véritable enjeu de santé publique !

Le 9 février dernier, Bruitparif publiait son rapport, aussi alarmant qu’accablant, sur les impacts du bruit des transports sur la santé dans la zone dense de la région Ile-de-France. Ce rapport estime que pas moins de 90 % des habitants de la métropole souffrent du bruit, et que plus de 9 millions de personnes sont exposées à des niveaux de bruit supérieurs aux valeurs recommandées par l’Organisation mondiale de la santé.

Nous ne pouvons plus rester indifférents à cette pollution sonore, qui fait perdre en moyenne près de onze mois de vie en bonne santé aux Franciliens de la zone dense, du seul fait de leur exposition aux nuisances sonores liées aux transports, terrestres comme aériens.

Le bruit est un facteur de dégradation de la santé ; il est devenu le second facteur environnemental de morbidité en milieu urbain, après la pollution atmosphérique. Et que dire du coût social de ces nuisances sonores ? L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME – et le Conseil national du bruit l’estimaient, en 2016, à 57 milliards d’euros par an !

Le département des Hauts-de-Seine, notamment les communes de Bagneux, Malakoff et Montrouge, situées dans ma circonscription, au cœur de la zone dense francilienne, n’échappent malheureusement pas à ce triste constat. Les travaux liés au Grand Paris Express, les nombreux chantiers urbains, la circulation et la congestion routières, les nuisances engendrées par les deux-roues, le ralentissement de nombreux TGV en plein centre-ville, ou encore le passage aérien du métro sont autant de nuisances sonores devenues invivables, de jour comme de nuit, pour de trop nombreux citoyens de ma circonscription, comme pour beaucoup d’autres Français.

Si la puissance publique s’est saisie du sujet, en encadrant l’exposition aux nuisances sonores par les plans d’exposition au bruit, la prise en compte de ce fléau est insuffisante au regard de l’enjeu sanitaire qu’il représente.

Ma question, à laquelle je souhaite associer ma collègue du Val d’Oise, Zivka PARK, est la suivante : face à ce constat alarmant, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre, notamment dans le cadre de l’examen prochain du projet de loi d’orientation des mobilités, pour mieux évaluer l’exposition au bruit et lutter plus activement contre ces nuisances qui polluent le quotidien de tant de Français ?

Mme Élisabeth Borneministre chargée des transports. Vous avez interrogé M. François de RUGY, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre.

Les nuisances occasionnées par le bruit sont trop élevées pour beaucoup de nos concitoyens. Je tiens à vous assurer que le Gouvernement, ayant pleinement conscience des situations difficiles qu’elles engendrent, s’emploie à les réduire, en s’appuyant sur les mesures de lutte intégrées à la réglementation, aussi bien européenne que française.

Ainsi, la directive européenne de 2002 relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement demande aux États membres de réaliser tous les cinq ans des cartes de bruit pour les grandes infrastructures de transport et pour les grandes agglomérations. Cette étape de diagnostic doit être suivie de l’adoption d’un plan de prévention du bruit dans l’environnement, afin de prévenir ou de réduire les effets du bruit, ainsi que de protéger les zones calmes.

Nous sommes malheureusement en retard dans l’application de cette directive. C’est pourquoi nous avons pleinement mobilisé les services de l’État, afin qu’ils réalisent au plus vite les plans de prévention du bruit dans l’environnement qui sont de leur ressort. Par ailleurs, pour les collectivités qui n’auraient pas réalisé ce diagnostic, le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre la procédure de substitution par les préfets, comme prévu par le code de l’environnement.

En outre, afin de résorber les points noirs de bruit, qui sont des bâtiments installés antérieurement à une infrastructure de transport terrestre dont le niveau de bruit en façade est trop élevé, le financement des travaux nécessaires a été budgété à hauteur de 2,5 millions d’euros. Ce financement du ministère de la transition écologique et solidaire prend le relais du fonds de concours « bruit » de l’ADEME, entièrement dépensé en 2018.

La création de l’attestation acoustique prouve que la réglementation acoustique a été prise en compte pour les bâtiments d’habitation. Le Conseil national du bruit, dans son avis du 11 décembre 2018, a formulé plusieurs recommandations pour une meilleure application de cette réglementation. Celles-ci doivent maintenant être analysées, avec le concours du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Le bruit est pleinement intégré à la politique pour la santé et l’environnement du ministère de la transition écologique et solidaire. Il fera bien évidemment partie des thématiques incluses dans les travaux du futur plan national « Mon environnement, ma santé ».

Enfin, à propos des pics de bruit générés par le passage de trains à grande vitesse, une vaste campagne de mesures acoustiques sur les lignes à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire et Sud-Europe-Atlantique a été réalisée. En outre, j’ai donné pour mission au Conseil général de l’environnement et du développement durable d’apporter des réponses concrètes aux situations difficiles rencontrées par certains riverains de ces deux lignes et de proposer, le cas échéant, des évolutions de la réglementation en matière de nuisances sonores. Le rapport sera disponible dans les prochaines semaines. Nous l’examinerons avec toute l’attention nécessaire et déterminerons quelles propositions, y compris réglementaires, seront retenues, en ayant pour objectif le confort acoustique des riverains.

Mme Laurianne Rossi. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces précisions. Vous pouvez évidemment compter, dans la lutte contre le fléau majeur qu’est le bruit, sur le soutien des parlementaires, ainsi que sur le Conseil national du bruit, qui formule régulièrement des avis. Cette commission consultative, dont je suis membre, est placée sous l’autorité du ministre d’État.

Vous pourrez également compter sur les parlementaires, dans le cadre du projet de loi d’orientation des mobilités, pour promouvoir une meilleure prise en compte du bruit, notamment par l’intégration des pics de bruit et du cumul de bruits, alors que les nuisances sonores ne sont aujourd’hui caractérisées que par des moyennes de niveau sonore. La mesure des pics permettra de mieux caractériser la gêne et les effets sanitaires associés à la nuisance.