Charles de Gaulle Express : une succession d’incohérences

En circonscription
Charles de Gaulle Express :  une succession d’incohérences

Nous publions aujourd’hui un communiqué commun avec mes collègues Députés Frédérique DUMAS (13ème circonscription des Hauts-de-Seine), Isabelle FLORENNES (4ème circonscription des Hauts-de-Seine), Christine HENNION (3ème circonscription des Hauts-de-Seine) et Rodrigue KOKOUENDO (7ème circonscription de Seine-et-Marne) afin que le Gouvernement accepte de réinterroger le projet du Charles de Gaulle Express de manière objective et transparente.

Retrouvez l’intégralité de ce communiqué commun ci-dessous : 

Mardi 5 février, Madame Élisabeth BORNE a confirmé, dans une interview au Parisien la réalisation du Charles de Gaulle Express (CDGE), « en assurant » que « cela ne se ferait pas au détriment des transports franciliens », sans toutefois y apporter de garanties concrètes.

Or, cette décision est prise au mépris des associations des usagers, de nombreux élus et des différentes études techniques et environnementales qui ont montré que le chantier ainsi que l’existence du CDGE lui-même, tel qu’il est conçu impactera de manière très négative et durablement l’exploitation des lignes du RER B, mais aussi celles du RER E et celles des lignes P et K.

C’est d’ailleurs à ce titre que Valérie PÉCRESSE en tant que Présidente de la Région Île-de-France et d’Île-de-France Mobilités a demandé « la suspension des travaux tant que toutes les garanties n’auraient pas été données sur l’absence d’impact sur les voyageurs du quotidien ».

La Ministre a présenté le retard pris par le projet qui ne pourra être livré comme prévu en 2024, comme la prise en compte du problème posé, alors qu’il était établi depuis plusieurs mois que le délai de réalisation en vue des Jeux Olympiques était impossible à tenir.

Le Préfet de Région Michel CADOT a évoqué par ailleurs que « la somme des travaux attendus d’ici 2024 sur l’axe ferroviaire de Paris Nord aura nécessairement un impact sur la qualité des services de transport du quotidien avec ou sans CDGE ». Ce qui signifie que c’est bien à des difficultés sans précédent auxquelles les usagers vont être confrontées si le chantier du CDGE était maintenu de manière concomitante.

Nous tenons donc à dénoncer très fortement l’incohérence des déclarations faites :

Incohérence face aux engagements du Premier ministre qui déclarait en février 2018 au sujet du Grand Paris Express, vouloir « tenir un langage de vérité » qui oblige à « prioriser les chantiers pour assurer leurs réalisations dans des délais réalistes, pour éviter de prendre du retard sur tous les chantiers en même temps avec les conséquences sur les conditions de transport des franciliens ».

Il faisait alors des mobilités du quotidien et donc de « la mise en service des lignes qui bénéficient au plus grand nombre de franciliens, une priorité ».

Incohérence face aux engagements pris par le Président de la République car cette décision hâtive vide de toute substance l’intérêt du principe d’un « Grand débat national » et le concept même de « démocratie délibérative permanente »  régulièrement invoquée par le Président de la République.

Incohérence face à la nécessité que rappelle le Président de la République dans sa lettre aux Français d’« ériger la démocratie représentative comme socle de notre République ».

En effet, la consultation demandée dans l’urgence au Préfet de Région ne porte « que sur le calendrier des travaux » et non sur le report global du projet ou sur le fait de pouvoir le réinterroger et ses conclusions étaient attendues pour mi avril !

Il a par ailleurs été omis d’y convier les députés d’Île-de-France hors Paris, dont la plupart s’interrogent sur les impacts et l’opportunité du CDGE.

Ce qui renforce la vision « parisienne » de ce projet contre le quotidien de millions d’usagers qui n’ont pas la chance de bénéficier de la desserte parisienne.

Pour ces deux raisons, il n’est donc pas très étonnant que les citoyens affirment ne pas se sentir représentés par leurs député.e.s.

Incohérence encore face à la nécessité que rappelle le Président de la République, toujours dans sa lettre aux Français, d’optimiser les dépenses publiques au bénéfice des citoyens.

Nous considérons en effet que les conséquences sur les finances publiques n’ont pas été évaluées en transparence.

Si concession a été faite à une société privée, c’est bien l’État qui au final a consenti à être le créancier de ce projet pour une somme avoisinant les 1,7 milliard d’euros comme le prévoit la loi de finances 2018 qui précise que « les dépenses et la dette seront consolidées au sein des finances publiques ». Et ce sera donc bien l’Etat qui sera garant en cas de déficit d’exploitation.

Or un déficit d’exploitation est attendu du fait qu’en moyenne, les dépassement de coûts initiaux sont généralement de l’ordre de 30 à 50%, que les estimations de recettes sont très « optimistes » et du fait de la conception même du projet.

En effet, s’il nous est expliqué depuis des années que le CDG Express sera le « garant du rayonnement économique de la France et constituera un véritable levier pour le tourisme », celui-ci ne sera pourtant pas relié au futur terminal 4 et desservira uniquement la gare de l’Est. Bien loin donc de la conception de la future « Elisabeth line » dont la partie « express » ne côtoie aucune ligne du quotidien et qui reliera l’ensemble des terminaux d’Heathrow à plusieurs stations de métro de Londres intra-muros.

Si l’on ajoute un prix prohibitif compris entre 20 et 25 euros par personne, nous pensons que les faiblesses intrinsèques du projet ne lui permettront pas de remplir les objectifs qui lui ont été assignés.

Enfin, un tel projet rend encore plus aléatoire la tenue des engagements sur certaines autres lignes du Grand Paris Express, comme la ligne 17 devant relier Roissy à La Défense qui constitue pourtant une sérieuse alternative, aux côtés d’un RER B double rames enfin modernisé. 

Par contre, nous constatons que cette décision hâtive et précipitée arrive au moment même où le gouvernement a affirmé sa volonté, très controversée, de privatiser Aéroports de Paris – le CDGE permet effectivement de valoriser l’éventuelle future cession – et au moment où il faudra honorer les contreparties négociées, sans beaucoup de transparence, suite à l’abandon du projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Si tous les ingrédients d’une future catastrophe semblent réunis, il est urgent que le gouvernement accepte de prendre le temps de réinterroger ce projet de manière objective et transparente.

Le 19 février,  il sera donc demandé au gouvernement dans l’hémicycle s’il accepte de suspendre les travaux du CDGE tant que des garanties sérieuses et concrètes n’auront pas été apportées aux interrogations légitimes des citoyens et de leurs représentants et si, en second lieu, à l’heure du grand débat national, il est par ailleurs prêt à réinterroger de manière sérieuse l’opportunité de la réalisation d’un tel projet, comme il a pu le faire concernant l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Crédits photos : Le Parisien/Philippe LAVIEILLE.