Loi sur les néonicotinoïdes : pourquoi je ne peux voter pour

Loi sur les néonicotinoïdes : pourquoi je ne peux voter pour

Ce mardi 6 octobre, l’Assemblée nationale était appelée à se prononcer sur le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire, communément appelé projet de loi sur les néonicotinoïdes ou encore projet de loi betteraves.

L’objectif de ce texte : réautoriser temporairement l’utilisation des insecticides néonicotinoïdes pendant 3 ans (jusqu’au 1er juilet 2023), sous certaines conditions, afin d’aider et préserver les producteurs de betterave et de sucre français. Cette filière agricole et industrielle subit en effet, depuis plusieurs semaines, le virus de la jaunisse qui a détruit une partie des plants avant leur récolte dans plusieurs régions productrices – dont l’Ile-de-France – et qui met désormais en péril notre industrie sucrière.

Je n’ignore pas les difficultés auxquelles font face les betteraviers. La maladie de la jaunisse a fait perdre jusqu’à 50% de la culture de la betterave sur certains territoires. Cette crise fait craindre une disparition de milliers d’emplois et l’obligation d’importer notre sucre depuis d’autres pays qui ne respectent absolument pas les normes environnementales qui sont les nôtres, et qui ne s’engagent pas pour le moment dans la sortie des pesticides. Cette crise met ainsi en danger notre souveraineté nationale en matière de production de sucre.

Je n’ignore pas non plus que cette situation résulte des défaillances dans le suivi et l’application de la loi de 2016 sur la biodiversité qui interdisait ces produits phytosanitaires. Des défaillances et un manque de vigilance qui auraient pu être évités. Les produits néonicotinoïdes ont été interdits progressivement depuis les années 1990 jusqu’à une interdiction totale en France en 2018 en vertu de la loi Biodiversité de 2016. Des exceptions ont néanmoins été prévues jusqu’au 1er septembre 2020 afin de permettre aux acteurs concernés de s’adapter et d’appliquer les mesures transitoires. La filière betteravière aurait dû avoir le temps d’investir dans des solutions alternatives, de s’adapter en douceur afin de répondre aux exigences européennes et nationales. Le manque de contrôle, de volonté et d’exigence nous conduit une nouvelle fois à débattre de ce sujet et à prévoir cette dérogation.

Je sais surtout les dangers que présentent ces produits néonicotinoïdes pour notre environnement et notre santé. Mon travail depuis 2017 sur les perturbateurs endocriniens et la santé environnementale ont pu mettre au jour la toxicité de ces substances pour les insectes pollinisateurs, pour les sols, l’eau, la faune, la flore et, de fait, notre alimentation.

Convaincue qu’il nous faut les interdire le plus rapidement possible, je n’ai donc pas souhaité voter pour cette dérogation et fait le choix de m’abstenir lors du vote solennel ce mardi 6 octobre. Le projet de loi a été adopté à 313 voix pour, 158 voix contre et 56 abstentions.

Je veux toutefois saluer les garanties importantes qui ont pu être posées dans ce texte, par mes collègues députés de la majorité parlementaire :

  • L’inscription dans le texte de la limitation de la dérogation aux semences de betteraves sucrières ;
  • La création d’un conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en oeuvre d’alternatives aux produits contenant des substances néonicotinoïdes, au sein duquel siègeront des parlementaires ;
  • L’interdiction des cultures attractives de pollinisateurs pendant une durée à déterminer après l’usage de substances néonicotinoïdes afin de réduire l’exposition des insectes pollinisateurs aux résidus de produits.

En complément de ce projet de loi, le Gouvernement a annoncé renforcer les programmes de recherches d’identification d’alternatives pour les cultures betteravières une indemnisation pour les pertes importantes liées à cette crise. Le Gouvernement a également nommé un délégué interministériel à la filière sucre pour coordonner la mise en œuvre du plan d’actions.

Des solutions alternatives et vertueuses existent, elles demandent du temps et de l’investissement. C’est ce chemin de l’agro-écologie que nous devons emprunter sans détour.

Photo : Pixnio / Christels