« La France doit s’engager contre le prélèvement forcé d’organes », la tribune que je signe dans Libération

À l’Assemblée nationale
« La France doit s’engager contre le prélèvement forcé d’organes », la tribune que je signe dans Libération

Avec André Gattolin, Sénateur LaREM des Hauts-de-Seine et aux côtés de l’association DAFOH, je m’engage pour lutter contre le prélèvement forcé et le trafic illégaux d’organes. Retrouvez, ci-après, la tribune que nous publions dans Libération

« La révision des lois bioéthiques, organisée tous les sept ans dans notre pays, est l’opportunité pour le Parlement de définir ce qui est éthiquement souhaitable face à ce qui est scientifiquement possible, et de poser ainsi les limites nous protégeant des dérives potentielles de la technique et de la science.

Moins médiatisés, les principes aujourd’hui applicables en France en matière de dons d’organes font également partie intégrante de la loi bioéthique. A ce titre, en tant que parlementaires soutenant ce projet de loi, nous tenons à souligner une lacune qui, nous l’espérons, sera corrigée lors des débats parlementaires. Il s’agit de la lutte contre le développement, effrayant et trop méconnu, d’une industrie internationale des prélèvements forcés d’organes à fins très lucratives de transplantation.

Les prélèvements forcés et le trafic d’organes sont hélas depuis longtemps un phénomène mondial. Dans plusieurs pays tels que le Brésil, l’Inde, ou encore certains Etats des Balkans, ils sont le fait d’organisations criminelles et mafieuses. En revanche, dans le cas de la Chine, plusieurs rapports et enquêtes attestent, depuis une dizaine d’années, de l’existence d’un phénomène massivement organisé et encouragé par les autorités.

«Exécutés pour leurs organes»

Ainsi, selon un rapport publié en 2006 par les Canadiens David Matas et David Kilgour (cofondateurs de l’ONG internationale Dafoh, «Médecins contre les prélèvements forcés d’organes»), la pratique aurait comme cible principale des milliers de prisonniers d’opinion, notamment les pratiquants du Falun Gong – une forme de yoga chinois – ainsi que des détenus ouïghours et tibétains.

Un rapport d’experts indépendants, présidé par Sir Geoffrey Nice et publié en juin dernier, affirme également que «les prisonniers d’opinion ont été et continuent d’être exécutés en Chine pour leurs organes à une échelle significative», évoquant également des prélèvements du vivant en guise de dette à acquitter sine die à l’endroit de la société.

Aujourd’hui, et à en croire les chiffres publiés par les hôpitaux chinois, ce sont environ 90 000 transplantations d’organes qui sont réalisées chaque année dans ce pays. Leur origine reste opaque, le chiffre des détenus politiques comme celui des condamnés à mort – assurément très élevé – demeurant un secret d’Etat. La persécution sans cesse accrue des autorités à l’endroit des pratiquants de Falun Gong, réputés pour leur extrême hygiène de vie, ne serait pas sans lien avec la très grande disponibilité d’organes dans le pays. Ceux-ci seraient mis à disposition des acquéreurs en quelques semaines seulement, contre plusieurs années d’attente en France. Des délais inespérés, qui attirent les plus fortunées des personnes en attente de greffe. Parmi elles, un nombre croissant de nos concitoyens, qui n’hésiteraient plus – moyennant plusieurs dizaines de milliers d’euros – à se livrer à une nouvelle forme inquiétante de tourisme médical dans les hôpitaux chinois.

Confiance trahie

Alexis Génin, docteur en neurosciences à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris et conseiller scientifique de l’ONG Dafoh, dénonce également ces pratiques et affirme que certains médecins chinois ont trahi la confiance que le système de santé français leur avait accordée. En effet, nos meilleurs chirurgiens, précurseurs en matière de transplantation d’organes, ont formé pendant plus de vingt ans leurs collègues chinois. Il serait inacceptable de voir aujourd’hui ces connaissances détournées à des fins de marchandisation du corps humain.

Face à cette situation extrêmement grave et attentatoire tant à l’éthique qu’aux droits humains les plus fondamentaux, plusieurs pays comme l’Espagne, Israël, l’Italie, la Norvège ou encore Taïwan ont déjà modifié leur législation pénale. D’autres ont entamé la discussion parlementaire sur le sujet (Belgique, Royaume-Uni, Canada) ou approuvé des résolutions ou motions condamnant fermement ces persécutions et ces prélèvements forcés d’organes (Etats-Unis, Union européenne, Australie).

En France, le don d’organe est heureusement volontaire, gratuit et anonyme. Ces principes sont d’ailleurs réaffirmés avec force dans le projet de loi bioéthique actuellement en débat. Toutefois, selon les statistiques de l’Agence de la biomédecine, chaque année, 300 malades sortent des listes d’attente de greffe. Ils ne sont pas décédés, ils n’ont pas été greffés et leur état ne s’est pas aggravé… Pas en France, du moins. Où vont-ils ? Nous devons disposer des moyens de répondre précisément à cette question.

Protection des victimes

La révision des lois bioéthiques doit être l’occasion pour notre pays d’apporter des réponses adéquates à cette situation. Nous souhaitons notamment que la France signe enfin la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains de 2015, déjà signée par vingt-trois Etats membres. Elle permettra une meilleure répression des personnes impliquées dans le trafic et une meilleure protection des victimes.

Nous souhaitons également que toute greffe réalisée à l’étranger sur un citoyen français soit inscrite dans le Registre national de patients transplantés à l’étranger, géré par l’Agence de la biomédecine. Ainsi, si des Français sont greffés à l’étranger hors circuits légaux, ceux-ci pourront ainsi être connus par la traçabilité simple des médicaments anti-rejets nécessaires dans le cadre d’un traitement post-greffe.

Il s’agit d’un combat éthique que la France, promotrice des droits de l’homme universels, se doit de porter avec détermination et exemplarité. A défaut, la France risquerait alors de se trouver complice d’un marché de la transplantation occulte et incontrôlée, et de ce que l’ONG Dafoh appelle un génocide froid. Un génocide qui ne se voit pas. »